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The Shifters

Décarbonons la Culture

Les initiatives

#2 Le Centre Juno Beach (2/2)

Publié le 12 juillet 2023 | Par The Shifters
Le Centre Juno Beach : Une institution du souvenir actrice du futur (2/2)

Le Centre Juno Beach : Une institution du souvenir actrice du futur (2/2)

Au musée, les risques que représentent les désordres climatiques pour la paix et les démocraties constituent un lien entre mémoire et environnement. Selon la directrice du Centre Juno Beach, il est du devoir de l'institution de s'engager dans une démarche de développement durable et de s'inspirer des valeurs défendues par les soldats canadiens en 1944 pour préserver la paix.

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Décarbonons la Culture !

#2 Le Centre Juno Beach : Une institution du souvenir actrice du futur (2 / 2)

Laurent Baraton, membre du Cercle thématique Culture – The Shifters

Nathalie Worthington, Directrice de musée au Centre Juno Beach

Transcription

Décarbonons la Culture ! c'est le podcast qui donne la parole aux professionnels du secteur culturel qui ont expérimenté des actions pour rendre leurs activités plus résilientes face aux enjeux énergétiques et climatiques. Dans cet épisode, nous allons parler avec Nathalie Worthington, du Centre Juno Beach en Normandie. Vous trouverez d'ailleurs sur ce même site un entretien avec Maxime Bouché, qui travaille lui aussi au Centre Juno Beach. N'hésitez pas à vous y référer pour connaître les actions concrètes de décarbonation déjà en place. Et ici avec Nathalie Worthington, la directrice de ce Centre, qui a aussi travaillé avec le très connu Mémorial de Caen, nous allons évoquer des aspects parallèles avec la décarbonation, à savoir : comment embarquer une équipe de travail autour de cet enjeu ? Quel lien un lieu de mémoire peut-il faire entre Histoire et décarbonation ? Dans cet entretien, nous allons parler valeur, sens et prise de conscience. Bonne écoute.

00:01:11 Nathalie Worthington Le Centre Juno Beach ce n'est pas à proprement parler un musée, c'est un Centre d'Interprétation sur le rôle du Canada pendant la Seconde Guerre mondiale, mais avec une ouverture sur le Canada d'aujourd'hui et aussi les valeurs des soldats qui ont contribué à fonder ce musée et à fonder le Canada d'aujourd'hui. Et c'est ces valeurs en fait de courage, de ralliement, de sobriété, d'engagement et bien d'autres encore qui sont celles qui nous, nous inspirent aujourd'hui pour engager le Centre Juno Beach dans une démarche de développement durable. Cet outil de transmission de la mémoire on va également s'en servir pour que le développement durable et les questions autour de la décarbonation ne soient pas simplement dans notre démarche, mais aussi dans nos contenus. Parce qu'en fait le combat à mener aujourd'hui pour sauver ou contribuer à sauver la paix et les démocraties face aux enjeux climatiques et bien ça nécessite de recourir à ces mêmes valeurs. Et nous, on voit qu’un musée comme le nôtre, qui est un musée de société, finalement, il a un rôle à jouer dans ces questions de développement durable par son action qui peut avoir valeur d'exemple et par la médiation auprès des jeunes visiteurs. Donc en fait, on voit que le travail de mémoire, il nous donne des clés de compréhension et il nous donne des leviers d'action, alors on n'est pas là pour donner la leçon, mais on est là légitime en Normandie, de par le prix qui a été payé en 44 pour faire passer des messages importants. Donc c'est cette approche globale en fait de ce qu'on est, du rôle qu'on a à jouer dans le monde d'aujourd'hui, des enjeux et des désordres climatiques, c'est tout ça qui nous amène à un projet global et à embarquer de manière globale une équipe. Pour ma part, j'ai eu la chance de travailler il y a 20 ans au mémorial de Caen et je travaillais sur les espaces de développement du mémorial sur la question de la paix. Et j'ai eu la chance de travailler avec des scientifiques qui m'ont clairement expliqué déjà à l'époque qu’on ne vit pas dans un monde en paix quand on vit dans un monde où les déséquilibres, où l'environnement n'est pas respecté en fait et où les déséquilibres s'annonçaient déjà. On savait très bien déjà en 2020, en 2000 pardon, à l'époque, qu’on était en train de détruire les fonds marins alors qu'on en avait pas encore découvert toutes les richesses. Et on était aussi en train de faire fondre la calotte glaciaire alors que là encore, on avait beaucoup à apprendre. Donc c'est sur la base de cette prise de conscience, déjà en 2000, que j'ai amorcé un goût pour ces questions-là et surtout une crainte.

00:04:07 Laurent Baraton Alors vous nous l'expliquez, une prise de conscience très forte il y a une vingtaine d'années. Comment est-ce que cette prise de conscience a finalement influencé les actions que vous menez actuellement au Centre Juno Beach ? Dans l'entretien que nous avons eu avec Maxime Bouché qui est sur ce même site. Nous avions évoqué le fait que mettre en place des actions aussi volontaires ne pouvait être possible qu'avec une très grande cohérence entre des équipes de direction et des équipes de travail. Et donc, comment êtes-vous passés de la prise de conscience à l'action concrète ?

00:04:39 Nathalie Worthington Là, à partir de 2019, à un moment, on a fini par rassembler tout le monde pour essayer d'avoir un socle commun de connaissances. Et là, c'est le CPIE, qui est un organisme qui travaille pour l'environnement, qui est venu nous faire une formation, un peu comme il l'aurait fait à un groupe scolaire dans les écoles. Ca déjà, pour avoir un socle commun, première chose. Le 2e levier, ça a été que nous on est, vous le voyez bien, on est pétri par les valeurs et c'est quelque chose qui est notre quotidien au Centre de réfléchir aux valeurs d'hier et aux valeurs d'aujourd'hui, enfin, des acteurs d'hier et d'aujourd'hui. Et ce sont ces mêmes valeurs qu'on a utilisées pour essayer de sensibiliser le personnel au fait qu'eux aussi, aujourd'hui, ils ont un rôle à remplir et on est partis de cette idée qu' hier, des soldats étaient venus mener combat et se sacrifier pour nous donner un monde. Et c'est aujourd'hui à nous d'agir. Bien sûr, pas sur le même terrain, pas de la même manière. Mais aujourd'hui, qu'est-ce qui menace le plus les démocraties dans le monde et la paix dans le monde, si ce n'est la question des désordres climatiques qui sont en train de nous mettre au bord du gouffre ? Donc cette équipe pour l'embarquer et bien ce n’était pas forcément évident au départ quand tout le monde n’a pas eu la même prise de conscience au même moment. Et c'est cet appel en fait aux valeurs et au sens qui nous permet d'emmener l'équipe. Puis après il faut aussi l'acceptation que quand on essaie d'embarquer comme ça l'équipe, tout le monde ne puisse ne pas être au même niveau. Il faut essayer de ne pas trop intellectualiser les choses pour certains, dès qu'on est devenus un peu concrets, grâce au bilan carbone, aux actions qu'on allait pouvoir mener, là, on a commencé à pouvoir embarquer du monde, alors ce n'est pas toujours évident: “Moi je suis dans la communication, comment je fais pour me raccrocher à ce projet là ?”, “Moi je travaille dans la vente, comment est-ce que je fais ?”. Voilà, et après, en essayant de donner sa part à tout le monde et de responsabiliser tout le monde, et bien notre petite équipe, parce qu'on a une petite équipe, on est entre 8 et 10 permanents, on a fini par être soudés et je pense que là aujourd'hui où on a lancé notre premier rapport RSE, toute l'équipe est très engagée.

00:07:06 Laurent Baraton Est-ce qu'il y a des freins, est-ce que vous avez vu des résistances à embarquer comme ça votre équipe ?

00:07:07 Nathalie Worthington Oui, les résistances c'était justement un manque de compréhension. Nous au Centre Juno Beach, notre mission depuis 20 ans, c'est celle de la transmission de la mémoire aux jeunes générations, c'est celle de la transmission, c'est celle du partage de l'Histoire et ce n’était pas évident pour tout le monde de faire le lien avec le développement durable. Et ça, ce frein il était un frein de compréhension pour chacun à ne pas trouver forcément la raison et le pourquoi ni le comment on irait dans cette direction-là mais à partir du moment où on a fait le travail que j'ai évoqué précédemment sur les valeurs et pourquoi on s'engage et le comment à travers un plan concret et le pourquoi, et bien qui est une évidence maintenant pour tout le monde qui est de de faire notre part, et bien ces freins là se sont trouvés levés. Donc, en fait, les freins se trouvent non pas réglés, mais adoucis par l'approche globale et par le fait qu'on est dans une stratégie qui est partagée, comprise, voire co-construite avec le personnel.

00:08:23 Laurent Baraton Alors, tout ça est en place depuis quelques années maintenant, est-ce que vous avez déjà des retours d'expérience, que ça soit au niveau de votre personnel, des visiteurs ou même des institutions ?

00:08:34 Nathalie Worthington Alors le principal retour d'expérience qu'on a à date, c'est autour du tarif bas carbone qui a été mis en place pour les mobilités douces. Ce tarif qui permet, quand on voyage en train ou en bus ou quand on vient au Centre en vélo, de bénéficier d'un tarif réduit. Ce moment où, à la caisse ou à un moment de rencontre avec les personnes qui arrivent. Moi j'ai eu la chance de rencontrer régulièrement des personnes qui arrivaient en vélo. Et ce temps d'échange là, il nous permet vraiment d'avoir un retour, c'est à dire qu’on commence à rencontrer des visiteurs qui viennent parce qu’ils ont entendu parler de ce tarif bas carbone, que ça correspond à une approche ou à des valeurs qui les intéressent, qui les intriguent. En tout cas, qui leur parlent et qui viennent en partie au musée parce qu’ils sont intéressés par l'approche. Donc pour l'instant, c'est à travers ce tarif bas carbone. Pour ce qui est des scolaires, c'est encore trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions, mais on voit quand même qu'il commence à y avoir des enseignants qui pourraient être intéressés par cette démarche au moment de la visite. Bon, ça fait très longtemps qu’au Centre nous on propose par exemple des nettoyages de plage, mais là on vient d'installer des bacs à marée, on met à disposition des bidons pour que les jeunes, des bidons recyclés, pour que les jeunes aillent collecter des déchets laissés sur la plage pour remplir les bacs à marée, on voit que tout ça est en train de frémir. Mais d'ici un ou deux ans, on pourra davantage avoir des retours. Mais sur le tarif bas carbone, là on en voit déjà, on en a déjà eu plus de 1000 cette année et on voit une sensibilisation en fait et on voit qu’on touche un public à travers ces questions-là.

00:10:27 Laurent Baraton Et enfin, que pourriez-vous dire aux structures qui souhaiteraient s'inspirer de toutes vos actions ?

00:10:32 Nathalie Worthington Ce qu'on fait au Centre Juno Beach bien évidemment, il faut que ça s’appuie sur un modèle économique qui soit rentable, mais pour autant, on voudrait vraiment que ce qu'on fait puisse être repris par d'autres. Il y a quelque chose à faire, nous voilà comment on le fait, inspirez vous de ça ou donnez-nous des idées aussi, mais en tout cas une chose est certaine, c'est qu'on sait que seul on n’y arrivera pas. Il faut travailler par groupe d'acteurs, il faut travailler ensemble et c'est ça le défi. C'est d'arriver à faire comprendre à tout le monde que, quels que soient nos intérêts de rentabilité, de toute façon il faut qu'on y aille et il faut qu'on y aille ensemble. On est une petite structure, on est assez agile en fait, on a assez de marge de manœuvre pour pouvoir nous engager. C'est-à-dire que quand on a une idée, on peut très vite la mettre en pratique, des fois ça marche, des fois ça ne marche pas. Il y a des choses qu'on a mis en place, ça n’a pas marché. Le tarif bas carbone, personne ne nous a empêché de le mettre en place, ça n'a pas eu besoin d'être voté en Conseil d'administration et de rassembler tout un tas d'avis et d'expertise sur la question. On a tenté, ça marchait, ça marchait pas…il se trouve que ça a l'air de plutôt bien marcher mais c'est le cas pour pas mal d'autres opérations, puis il y a des choses qui ne marcheront pas forcément et dont on tire toujours les leçons. Mais cette agilité qui est la nôtre nous permet, on a toujours un petit peu un temps, c'est comme si on avait un petit peu un temps d'avance. C'est-à-dire que comme on peut expérimenter les choses facilement après quand on se tourne la main tendue vers les autres pour dire bon bah on y va, Ben on se rend compte qu'il y a des fois des petits décalages, alors je pense que le temps à l'échelle des désordres climatiques, on l'a pas. Mais à l'échelle des collaborations, je pense que ça devrait aller en s'arrangeant.

00:12:26 Laurent Baraton Le podcast Décarbonons la Culture ! est réalisé par les Shifters, les bénévoles du Shift Project. Ce think tank a un objectif : faire progresser le débat et les actions pour une économie post carbone : un monde libéré des énergies fossiles et préservé du réchauffement climatique. Décarboner la culture c’est lui permettre de garder la place qu’elle a dans nos vies. Vous pouvez retrouver l’ensemble des témoignages sur le site décarbononslaculture.fr. A très bientôt, pour d’autres initiatives inspirantes !

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Contact
Mise en œuvre :2019-En coursStructure :Centre Juno BeachInterlocuteur :Nathalie WorthingtonThématiques :
tranversalmusées et patrimoinesensibilisation-formationNormandielieux

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