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The Shifters

Décarbonons la Culture

Les initiatives

#3 La compagnie Mange Nuage

Publié le 12 juillet 2023 | Par The Shifters
La compagnie Mange Nuage : Un cirque qui arrive par la mer

La compagnie Mange Nuage : Un cirque qui arrive par la mer

Anne Pribat, trapéziste, a rénové pendant 5 ans un catamaran pour réaliser son rêve de naviguer à la voile et faire du cirque sur un bateau. Accompagnée de Pierre Loreau et de Camille Provendier, elle expérimente désormais la diffusion de spectacles depuis le Mange Nuage et la création d'un projet entre art et sciences pour sensibiliser à la fragilité du littoral.

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Décarbonons la Culture !

#1 La compagnie Mange Nuage : le cirque qui arrive par la mer

Avec

Lise Hemelsdaël, membre du Cercle thématique Culture – The Shifters

Anne Pribat, trapéziste, capitaine du bateau Mange Nuage, direction artistique de la compagnie

Pierre Loreau, co-président de la compagnie Mange Nuage

Camille Provendier, doctorante en médiation paysage et géoarchéologie à l’Université Paul Valéry - Montpellier 3

Site internet de la Compagnie Mange Nuage : http://mangenuage.com/

Transcription

Décarbonons la culture c'est le podcast qui donne la parole aux professionnels du secteur culturel qui ont expérimenté des actions pour rendre leurs activités plus résilientes face aux enjeux énergétiques et climatiques. Dans cet épisode, nous allons tout d'abord entendre Anne Pribat, trapéziste et capitaine du bateau-spectacle Mange Nuage et Pierre Loreau, professeur de SVT et coprésident de la compagnie Mange Nuage, nous parler d'un cirque qui arrive par la mer. Camille Provendier, doctorante en médiation environnementale et paysagère, nous expliquera ensuite le projet Messagers du littoral, entre arts et sciences, qu'elle a initié avec la compagnie. Bonne écoute !

00:00:44 Lise Hemelsdaël Anne, peux-tu me raconter comment tu en es arrivée, à créer et présenter des spectacles à bord d'un catamaran ?

00:00:49 Anne Pribat C'est une question vaste qui me demande de résumer en quelques mot, tout un chemin de vie qui a abouti à ce que je suis devenue aujourd'hui. Je suis quelqu'un qui a grandi à côté de la mer et j'ai été marquée évidemment par ce grand monde aquatique différent. Et une fois que je suis arrivée au choix professionnel, j'ai décidé de devenir une artiste de cirque et j'ai donc étudié dans les écoles françaises de cirque. Quand j'ai découvert ce monde, j'ai assez vite eu envie de le relier à ce que j'ai vécu enfant, c'est-à-dire au monde de la mer. J'ai eu ce rêve, j'ai eu cette idée pour toutes les raisons que ça représente, c'est-à-dire naviguer à la voile, pouvoir aller à l'international et faire du cirque sur un bateau. Une fois que j'ai donc terminé ces écoles, j'ai commencé à chercher dans cette direction, ça a été un chemin assez long, avec beaucoup de virage.

Et puis finalement, j'en suis arrivée à rencontrer un architecte naval, Denis Kergomard, quelqu'un que j'admire beaucoup, qui a été intéressé par mon projet, par mon rêve et qui m'a donc, pendant 5 ans et demi, guidé pour construire, rénover, équiper et créer le bateau Mange Nuage. Ensuite, une fois le bateau construit, il fallait créer la compagnie mange nuage et là. Pierre Loreau et Soizic ont eu envie de me faire profiter de leurs compétences pour la création de cette compagnie. Et aujourd'hui Fanny, Camille et Pierre gèrent au quotidien la compagnie Mange Nuage. Donc grâce à cette compagnie, on est en création de spectacle et on diffuse les spectacles de cirque en France, dans le golfe du Lion, dans l’étang de Thau et puis plus tard, plus loin.

00:02:47 Lise Hemelsdaël Et comment as-tu adapté un bateau pour pratiquer le trapèze et plus généralement, pour pouvoir y accueillir des activités circassiennes.

00:00:49 Anne Pribat Je suis artiste de cirque, trapéziste spécialisée dans le trapèze ballant donc pour installer un trapèze ballant sur un bateau, ce qui est nécessaire, c'est une stabilité maximale, voilà, et malgré le fait d'être sur l'eau d'ailleurs. Et donc là il y avait la proposition de Denis qui était de racheter un Formule 40. Un Formule 40, ce sont des bateaux de course, qui ont été inventés dans les années à peu près 90 et qui sont larges, donc plutôt stables et simple. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y avait un Formule 40 qui était délaissé dans un chantier naval de l’étang de Thau et donc je pouvais racheter ce bateau. La proposition de Denis ça a été de l'installer chez lui et qu'il me guide pour la construction de ce bateau. Pendant 5 ans et demi, le projet a évolué et on est arrivé à ce qu'est aujourd'hui mon nuage. Donc moi pendant ce chantier, j'ai découvert un monde de construction que je ne connaissais pas. J'ai découvert ce qu'est la résine Époxy, j’ai découvert ce qu’est du tissu de verre. Voilà, je suis passée aussi sur l'inox et les soudures. Enfin, une connaissance vaste en fait qui est nécessaire quand on est capitaine d'un bateau. Finalement, entre l'électricité, les moteurs, les réparations et les accidents...Petit à petit, pendant donc ces 5 ans et demi, on en est arrivés à ce qu'est aujourd'hui Mange Nuage. C'est-à-dire un bateau qui peut amourer sur une plage, donc ça veut dire s'échouer sur les plages pour proposer des spectacles de cirque à un public assis sur les plages. C'est un bateau avec lequel je peux naviguer seul, en solitaire. Donc ça permet d'envisager des organisations de tournée plus simplement en fait, sans avoir besoin forcément d'être 2, 3 ou 4 à bord du bateau. Sur ce bateau, il y a une scène ronde et grâce à la structure qui a été terminée aussi et finie, on peut installer donc évidemment un trapèze ballant mais aussi beaucoup d'autres agrès aériens, corps de lys, tissus, mât pendulaire. Voilà donc en fait ce qui se passe, c'est qu'aujourd'hui on en est arrivé à une conclusion qui permet beaucoup de projets et qui permet donc d'envisager vraiment un quotidien sur du long terme, voilà, un quotidien professionnel sur du long terme. Donc c'est vraiment ce dont j'avais envie au départ et ce à quoi je suis arrivée. Et voilà, c'est vraiment beau et chouette d'en être arrivée là aujourd'hui.

00:05:19 Lise Hemelsdaël Anne, tu me disais qu'on pouvait prévoir des tournées en solitaire avec le Manche Nuage, mais combien d'artistes maximum peuvent naviguer et jouer à bord ?

00:05:26 Anne Pribat À bord on est 3. Pourquoi on est que 3 à bord ? En étant artiste de cirque, j'ai vécu assez vite ce que ça voulait dire de créer des spectacles, j'ai vécu assez vite ce que ça voulait dire de jouer régulièrement et, en étant navigatrice, j'ai vécu aussi ce que ça voulait dire de traverser un océan ou de naviguer sur plusieurs jours et il m'a semblé évident que d'imaginer qu'on soit 10 à bord pour faire un spectacle à 10, pour créer un spectacle à 10, pour naviguer à 10, autant dire qu’au bout d'une semaine ou même 15 jours, bah en fait on ne peut plus se supporter.

Je sais que je ne ferme pas la porte du tout de pouvoir créer sur mon bateau des spectacles où on sera plus de 3, à l'image des spectacles de cirque et des compagnies de cirque avant où ils étaient en roulotte avec des chevaux autour d'un chapiteau. L'idée, ce serait que mon bateau, c'est un chapiteau et que chacun ensuite a son bateau autour et qu'on navigue à plusieurs. Qqu'on joue, mais chacun sa caravane quoi. Chacun son bateau, chacun là où il vit.

00:06:30 Lise Hemelsdaël Si vous souhaitez avoir plus de détails sur la rénovation du Manche Nuage, Vous pouvez accéder au blog tenu par Anne pendant la construction sur le site mangenuage.com. Vous avez créé un premier spectacle en 2021, Cabaret Surprise à bord du Manche Nuage, est-ce que vous avez pu évaluer, l'impact carbone d'une tournée en bateau ?

00:06:47 Pierre Loreau Pour les Tremplins Arviva, j’avais rapidement calculé l'impact carbone du bateau sur une tournée, donc l'impact uniquement de la partie carburant bien sûr, le bateau étant très léger est motorisé avec juste 2 moteurs 9-9. C'est des moteurs 4 temps. Leur consommation est estimée à 1,5 litre/heure à 60% de la vitesse pour 1h de trajet de trajet : 3 litres max, ce qui équivaut à 6,6 kilos à peu près, entre 6 et 7 kilos de CO 2 rejetés. 2 moteurs, 9-9 c'est parmi les plus petits moteurs qu'on trouve sur les petits zodiaques quoi.

00:07:20 Lise Hemelsdaël Et si on compare avec une voiture par exemple, qu'est-ce que ça donne ?

00:07:23 Pierre Loreau Ces 2 moteurs 9-9 qui déplacent là 3 tonnes 7 pour 6,6 kilos de co2 à l'heure, en équivalent une voiture, la plus petite possible, c'est 70 chevaux pour déplacer moins d'une tonne. Voilà et pendant 1 h, ça doit rejeter plusieurs dizaines de kilos de co2.

00:07:48 Pierre Loreau Alors je dis 1h de trajet max puisque ce que nous souhaitons, c'est arriver à naviguer quasi exclusivement à la voile et à n’utiliser le moteur qu’en cas d'urgence ou, parce que c'est obligatoire, pour l'entrée et la sortie des zones portuaires. Le moteur, on compte sur une navigation qu’il ne servirait que 1h. Bon, en tant que marin, on sait très bien qu'il risque de servir peut-être un peu plus, notamment parce qu'il y aura peut-être quelques contraintes horaires et qu'il faudra le faire fonctionner 2h. Mais enfin, ça reste quand même une consommation très faible pour le nombre de miles parcourus par le bateau entre 2 spectacles, voilà.

00:08:24 Lise Hemelsdaël En plus de la réduction de l'impact carbone, quels sont pour vous les avantages d'une tournée en bateau spectacle ?

00:08:29 Pierre Loreau Moi je trouve ça assez magique le voilier. C'est quelque chose. C'est à la fois maison, piste de cirque, scène, loge, camion, ça se déplace, ça sert à tout. C’est un seul outil qui sert à tout.

Et c'est quand même magique d'être sur l'eau, c'est quand même magique d'être dans un port, c'est formidable. Être dans une ville comme par exemple à Sète ou n'importe quel port et ne pas être côté terrien, mais être côté marin, être sur le bateau et pour aller faire ses courses, descendre à terre par exemple, rien que ça, c'est extraordinaire. C'est magique.

00:09:03 Anne Pribat C'est vraiment différent et une déconnexion totale. On est totalement entourés par la nature, enfin pas la nature, mais par la mer. On est dans un endroit à priori qui n'est pas notre endroit, un endroit vraiment confortable, mais on y est et on y est tout seul en plus. En tout cas quand on commence à naviguer loin. Ça change tellement de choses que ça change aussi la manière de penser, la manière de réfléchir, le temps qu'on passe. Et moi je trouve ça en fait excitant de savoir qu’on part de quelque part dans l'objectif d'aller jouer pour des gens et qu'entre ces moments-là, on a le temps d'y penser et d'y réfléchir puisque ça prend un temps. Après, c'est plus des projets de vie que des projets ponctuels, c'est bien la difficulté.

00:09:51 Lise Hemelsdaël Effectivement, j'imagine que ce genre de projet demande une certaine adaptation. Comment cela se traduit dans l'organisation de la diffusion et pour votre modèle économique par exemple ?

00:09:59 Pierre Loreau Être à la voile, ça crée d'autres contraintes, des contraintes de temps auxquelles pour l'instant, au niveau des dates, de la diffusion, etc, les diffuseurs ne sont pas encore habitués.

00:10:10 Anne Pribat En général, en fait, le public ne nous attend pas, personne ne nous attend le jour où on arrive parce que nous n'arrivons jamais le jour où on va jouer. On est forcément obligés d'arriver avant pour prendre en compte le moment de montage de la structure qui prend quand même du temps, pour monter la structure de cirque. Plus les répétitions avant de jouer. Donc on arrive minimum l'avant-veille.

On est totalement dépendants de la météo, donc ça, ça fait partie des difficultés aussi, en imaginant le futur, c'est qu’on ne sait jamais exactement quel sera le temps, est-ce qu'il va falloir partir plus tôt, attendre, être en retard, enfin est-ce qu’on sera en retard. Donc du coup on peut aussi envisager en tout cas c'est ce qu'on écrit dans les fiches techniques, c'est qu'on envisage de venir un jour ou 2 jours, 3 jours, avant en fonction de la météo telle qu'elle sera.

00:10:52 Anne Pribat Le fonctionnement avec ce bateau et ses spectacles de cirque sur bateau, ça change complètement le fonctionnement d'une diffusion, c'est-à-dire qu’on ne peut pas du tout envisager de faire une date dans une ville ou dans un lieu et ensuite faire une date à 2000 km plus loin. Il faut forcément que les destinations soient courtes, sur un temps assez court.

Tout est à construire, tout est à créer, la disponibilité des artistes aussi demande une disponibilité beaucoup plus grande que pour n'importe quelle compagnie existante aujourd'hui. Donc, comment fonctionner de ce fait ? Puisque voilà le prix dont le le spectacle est vendu, c'est pour le jour de la représentation, donc avec un bateau on va faire moins de dates...Comment construire cet ensemble pour réussir à rester cohérent sur l'ensemble du projet et l'ensemble de la conception à la base qui est d'être le plus écologique possible.

00:11:49 Pierre Loreau La difficulté de diffusion, la difficulté qu'on rencontre, c'est d'arriver à jouer de nombreuses dates à la file, donc il faut monter notre plan de diffusion en fonction des possibilités du bateau. Donc arriver à trouver des dates proches sur des lieux proches avec peu de navigation et faire en fait des mini tournées sur 15 jours, 3 semaines, dans des secteurs géographiques bien définis. Et sur ces périodes-là, permettre aux artistes soit de naviguer avec le bateau et entre 2 dates à terre de pouvoir se déplacer pour aller faire d'autres spectacles ailleurs. Soit vraiment de suivre le bateau et d'accepter donc de ne pas recevoir leur salaire que pour les les jours de montage, de répétition, et de spectacle. Et entre ces jours-là de naviguer juste. Bon, il y a pire l'été comme plan, mais bon, il y a pas mal de gens qui ont qui ont besoin quand même de travailler beaucoup plus que ça l'été pour arriver à faire leurs dates.

Donc c'est sûr qu'il y a un modèle économique à trouver. On se base quand même sur des projets existants puisque l'Armada, Festina Lente, La Loupiote aussi ont déjà fait ce genre de spectacles itinérants et se sont frottés à ce genre de problème. Mais eux tournaient au chapeau surtout, n'avaient pas de spectacle qui étaient achetés par les municipalités, donc on ils n'étaient pas tout à fait sur les mêmes problématiques.

00:13:23 Anne Pribat Donc c'est vrai que cette envie que j'ai de à la base en fait m'a poussé à ne pas m'arrêter pour aller avec l'Armada et Festina Lente. Parce que j'en ai eu envie de faire partie de ces projets-là évidemment et j'ai préféré rester à construire le mien parce que moi, dans mes objectifs de base, c'est vraiment de réussir à rester professionnelle en portant ce projet-là. Et en vivant de cette manière-là.

00:13:45 Pierre Loreau On a quand même des pistes à suivre, des exemples à suivre. Il y a des cirques en roulotte que ce soit le cirque Bidon ou d'autres qui ont fait le tour d'Europe avec des roulottes en se posant, en ne jouant pas uniquement au chapeau, mais avec un guichet, donc en se payant de la contribution des spectateurs, ça existe aussi. Donc nous pour l'instant on est sur un modèle de contrat de cession des spectacles, mais le modèle va peut-être évoluer. Mais il y a des solutions qui ont été déjà trouvées, qui ont déjà été expérimentées par d'autres et dont ils ont expérimenté les limites, les faiblesses et les avantages.

Mais c'est vrai que j'aimerais bien que ce mode de déplacement là soit plus pris en compte au niveau institutionnel. Après le fait d'arriver avec 2 jours de retard sur une date parce que le parce que la météo n'était pas là, nous, on prévoit ça comme dans tous les contrats de cession. Il y a une renégociation si le spectacle ne se fait pas d'une date ultérieure avec le avec les organisateurs. Et pour l'instant, il n’y a eu aucun retour négatif et aucune question par rapport à ça.

00:15:00 Lise Hemelsdaël Finalement, vous avez déjà identifié pas mal de caractéristiques, contraintes, avantages à ce mode de production et tournée. Est-ce que vous avez un conseil que vous aimeriez partager avec des personnes qui souhaiteraient s'embarquer dans un tel projet ?

00:15:11 Pierre Loreau Plutôt que par parler de donner des conseils, je pense que ce qu'il y a d'important, c'est d'essayer de créer un réseau de partage de compétences, partage d'expériences, retour d'expérience. Dans le monde du bateau spectacle je pense que c'est ça qui est important de créer. Ce qui n’est pas nouveau hein, ça se fait déjà, il y a le festival intergalactique des bateaux spectacles en Bretagne. Il y a un projet Festina Lente qui va repartir en 2020. Donc il y a des expériences qui se font et ces expériences, c'est elles qui vont alimenter cette espèce de banque de données des bateaux spectacles, que ce soit des spectacles de musique ou cirque à la voile.

00:16:02 Lise Hemelsdaël Vous avez cité déjà plusieurs autres expériences de bateau spectacles, est-ce que vous pensez que ce mode de déplacement pour les artistes peut se développer dans les années à venir et qu'il pourrait finalement apporter une solution au dilemme de la diffusion à l'international.

00:16:15 Anne Pribat Je pense que ça n'est même pas du futur. Des gens qui ont envie de faire des spectacles ou de l'artistique sur des bateaux, il y en a, il y en a eu. C'est quelque chose qui existe et qui se développe, c'est sûr. La base de toute cette envie, de tout ce bateau, c'est de pouvoir faire un tour du monde. Après la difficulté c'est que pour l'instant, de manière officielle, le fonctionnement réglementaire, national de la France ne peut pas fonctionner avec un le déplacement à la voile. Au niveau du règlement, on n'a pas le droit de rester plus d’une période, d'une semaine-quinze jours à l'international. En ayant des dates à l'international, il faut forcément revenir en France pour continuer à pouvoir pour profiter du statut d'intermittent du spectacle. Donc c'est sûr que dans le fonctionnement à la voile, ça ne fonctionne pas avec l'intermittence du spectacle. Qu'est-ce qu'on peut inventer pour pouvoir ouvrir cette porte qui me paraît quand même tout à fait intéressante et logique par rapport à nos réalités d’aujourd’hui ?

00:17:29 Lise Hemelsdaël En 2022, la compagnie Mange Nuage a été lauréate des Tremplins ARVIVA, qui récompensent des initiatives durables dans le spectacle vivant, pour son projet Ressac, messagers du littoral. Camille Provendier nous a rejoint pour nous présenter ce projet entre art et sciences dont elle a initié la création. Camille est doctorante en médiation environnementale et paysagère à l'université Paul-Valéry, Montpellier III, et consultante en muséographie et médiation.

00:17:54 Camille Provendier Le projet s'appelle messagers du littoral, avec un “s”, parce qu’on est plusieurs voix à s'exprimer. D'un côté, le spectacle Ressac avec l'approche artistique et de l'autre côté les outils de médiation, plus éducation à l'environnement et un troisième axe aussi de recherche scientifique et universitaire. Donc ces 3 axes là sont les messagers du littoral et transmettent les messages sur le la fragilité des littoraux.

00:18:25 Lise Hemelsdaël Comment ce projet de messagers du littoral a-t-il démarré ?

00:18:28 Camille Provendier Ce qu’il s'est passé, c'est qu'il y a eu un premier spectacle, un cabaret, qui a été monté. Qui s'est joué sur une plage, sur ce bateau amouré, donc posé sur la plage, avec les artistes aériens qui voltigeaient comme ils savent le faire, entre ciel et mer, avec l'horizon en décor, en toile de fond. Et en voyant cette représentation dans ce décor-là, moi qui suis en travail de recherche doctorale sur la médiation paysagère et environnementale, je me suis rendue compte qu’il n’il n'y avait pas que l'approche didactique traditionnelle de l'éducation à l'environnement qui pouvait être mobilisée et qu'au contraire, essayer de mobiliser une approche artistique en allant chercher l'émotion esthétique pour sensibiliser les usagers et le public au sens large, pouvait être vraiment très intéressant comme démarche. Et en voyant le Mange Nuage posé sur la plage, il y a eu comme un déclic. Cette légèreté, cette espèce de temps suspendu que représentent les artistes circassiens, je me suis dit, mais c'est, c'est ça qu'on veut dire, on veut parler de douceur, de légèreté. Et si je le traduis en mes termes à moi scientifiques, de faible impact. On s'est dit, mais il y a quelque chose, y a quelque chose qui nous réunit dans les messages qu'on transmet. Et ensuite, en discutant, on s'est rendus compte qu'il y avait des éléments de mon travail de recherche, donc des éléments assez concrets, des messages scientifiques thématiques, qui pouvaient être appropriés par les artistes et ensuite à eux d'en faire quelque chose. À eux de formuler en fait ces messages là avec leur propre sensibilité.

00:20:14 Camille Provendier On s'est dit qu'on allait partir sur une construction de méthodes art et sciences.

00:20:19 Lise Hemelsdaël Et comment s'est déroulée cette co-construction entre aspects artistiques et scientifiques ?

00:20:24 Camille Provendier L'important, c'est d'avoir le temps de le faire, c'est d'avoir le temps de l'expérimentation. Et ces temps-là, on a pu les réaliser sur plus d'un an et demi. Avec des temps de rencontres, la troupe repartait de son côté avec la matière thématique scientifique que j'ai pu leur ramenerl ors d'une première rencontre en décembre 2021. Et moi, de mon côté aussi, repartir pour travailler des dispositifs de médiation, donc une exposition, une malle pédagogique et un livre dont vous êtes le héros en format numérique. Donc des temps de création distincts, dissociés et des temps où se retrouvait à nouveau et on pouvait à nouveau échanger sur l'avancée de nos deux démarches en parallèle.

00:21:07 Anne Pribat Ce qui ce que ça veut dire en fait, c'est que donc dans Mange Nuage, on va être trois. Trois artistes. On aura dans les cales tout le matériel de l'exposition et le fait d'arriver en avance parce qu'on est en bateau et qu'on ne peut pas être sûrs d'arriver à telle date ou telle date : ces objets et ce matériel vont nous permettre de lancer la relation avec tout un public, soit les scolaires, soit autres, avec donc des outils intéressants, plus scientifiques. Mais donc, ce dont elle a parlé, la malle à mystère, le livre dont vous êtes le héros...

Le spectacle on le joue 1h, en fait. Mais on a une nav en avance, on a un montage, on a des répétitions...et on joue 1h. Donc c'est une forme qui est quand même particulière. Donc du coup, en ayant ces outils là en parallèle ça permet vraiment d'ouvrir le contact sur du plus long terme et ça correspond d'autant plus au projet, au bateau et à tout ce que ça représente.

00:22:03 Camille Provendier Ça permet aussi pour les collectivités qui vont programmer le spectacle d'avoir une offre entre guillemets, qui s'adresse à différents types de publics.

00:22:13 Lise Hemelsdaël Quel est l'intérêt et la particularité pour vous d'aborder ces sujets d'un point de vue artistique ?

00:22:18 Anne Pribat Avec le sujet de la fragilité des littoraux, en tant qu’artiste, travailler sur ce sujet qui peut parfois être un peu culpabilisant, c'est vraiment impressionnant. Enfin, c'est vraiment difficile justement de créer en se disant que ce n’est pas à nous de donner quoi que ce soit, de vouloir porter un message ou quoi que ce soit. En fait, nous, on est plutôt là pour faire venir et ouvrir les discussions et les raisonnements et les réflexions et les questionnements, par ce fonctionnement-là artistique.

00:22:47 Camille Provendier C'est ça, l'intérêt et la complémentarité en fait des différentes approches, c'est justement de pas être dans l'injonction. On n'a pas envie de dire aux gens ce qu'ils ont à faire, mais plutôt de leur apporter des informations qui leur permettent, en conscience et en connaissance de cause, de prendre leur décision en tant que, comme le dit Michel Puech, individu conscient et situé.

Et puis on mise en fait sur l'émerveillement, le rêve, l'enthousiasme. Parce que les émotions positives sont aussi à l'origine d'une mise en action et d'une mobilisation citoyenne. Il n'y a pas que la peur, il n'y a pas que la colère, mais il y a aussi l'expérience positive et agréable, dans le milieu naturel, qui peut pousser aussi les gens à s'approprier ce milieu-là et à vouloir le défendre et à vouloir le protéger.

00:23:45 Anne Pribat Avec ce projet sur la fragilité des littoraux, c'est vrai qu'on parle de cette fragilité avec l'outil d'un bateau qui arrive et qui repart. On en repart. On ne laisse pas de marque, on ne laisse pas de traces physiques sur le littoral. Donc c'est vrai que rien que par cette image là et cette idée-là, on parle du sujet, on est sur le sujet quoi.

00:24:11 Lise Hemelsdaël Le podcast Décarbonons la culture ! est réalisé par les shifters, les bénévoles du Shift Project. Ce think tank a un objectif, faire progresser le débat et les actions pour une économie post carbone, un monde libéré des énergies fossiles et préservé du réchauffement climatique. Décarboner la culture, ça lui permettre de garder la place qu'elle a dans nos vies. Vous pouvez retrouver l'ensemble des témoignages sur le site ddecarbononslaculture.fr. A très bientôt pour d'autres initiatives inspirantes.

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Fiche d'identité de l'initiative

Contact
Mise en œuvre :201-En coursStructure :Compagnie Mange NuageInterlocuteur :Anne Pribat, Pierre Loreau, Camille ProvendierThématiques :
mobilitéArts vivantsralentissementOccitanieartistes, compagnies

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