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Décarbonons la Culture

Les initiatives

#7 Production audiovisuelle et biodiversité : laissez-vous guider par l'IFFCAM, Audiens et ECOPROD

Publié le 04 juillet 2024 | Par The Shifters
Production audiovisuelle et biodiversité : laissez-vous guider par l'IFFCAM, Audiens et ECOPROD

Production audiovisuelle et biodiversité : laissez-vous guider par l'IFFCAM, Audiens et ECOPROD

L'école de cinéma IFFCAM, Ecoprod et Audiens publient un guide pratique qui s'adresse aux professionnels de la production audiovisuelle. Le but est de donner des recommandations pratiques pour une approche plus respectueuse de la biodiversité.

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<u>Transcription </u>

Décarbonons la culture, c'est le podcast qui donne la parole aux professionnels du secteur culturel qui ont expérimenté des actions pour rendre leurs activités plus résilientes face aux enjeux énergétiques et climatiques. Ce podcast est réalisé par les shifters, les bénévoles du shift project Dans cet épisode, nous allons dans une école de cinéma qui s'appelle l'IFFCAM, l’Institut Francophone de Formation au Cinéma Animalier de Menigoute, Menigoute étant le lieu où se déroule un festival de cinéma animalier et environnement bien connu des professionnels de ce secteur. Cette école, l'IFFCAM, a élaboré avec 2 autres partenaires un document qui s'appelle “le guide pratique des tournages en milieu naturel”. Un guide qui s'adresse aux professionnels de la production audiovisuelle et dont le but est de donner des recommandations pratiques pour une approche plus respectueuse de la biodiversité. Nous allons aussi entendre comment un projet typiquement biodiversité peut inspirer une démarche globale et finalement rejoindre les enjeux de décarbonation. Et si finalement décarbonation et biodiversité étaient dans le même bateau ? Voici notre premier intervenant qui a activement participé à la rédaction de ce guide. Bonne écoute.

1’22 Jérôme Lombard Bonjour, je m'appelle Jérôme Lombard. Je suis écologue de formation et de métier. C'est le monde de la biologie, mais appliqué à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes, des espèces… de manière simplifiée, c'est un petit peu cette idée-là. Et j'ai également eu la chance de faire des études à l'IFFCAM, et ce contexte de formation et de travail, où j'ai pu par la suite réaliser quelques documentaires animaliers, me permet de travailler et d'avoir un regard sur les 2 mondes et à l'interface des 2 univers-métier, car dans le documentaire animalier et environnement, on est toujours au contact des espaces naturels et au contact des gestionnaires des espaces naturels.

The Shifters Oui, donc une formation d'écologue et aussi une formation à l'IFFCAM, cette école de cinéma dont nous parlions en introduction, ça veut dire que vous êtes à la fois dans le monde de la biologie et aussi dans le monde de la réalisation de films documentaires ?

2’26 Jérôme Lombard Tout à fait. En fait, à l'IFFCAM, on a la chance d'avoir été formé (les étudiants actuels le sont encore) de la phase d'écriture d'un projet jusqu'à la diffusion. On apprend à réaliser un film de A à Z, le son, l'image, la scénarisation… On apprend vraiment tout. Et donc, dans le cadre de ces études, j'ai réalisé des documentaires. J'en ai encore réalisé un par la suite et après, j'ai participé à d'autres projets télévisés en tant que conseiller scientifique, ce qu'on appelle fixeur environnemental. Ça me permet d'être à l'interface entre ces 2 univers-métier mais qui, par l'angle du documentaire animalier et environnement sont très liés.

The Shifters Avant d'aller plus loin, quelques rappels scientifiques par rapport à la biodiversité. Peut-être avez-vous en tête ce graphique des limites planétaires. C'est un cercle qui est divisé en 9 portions et chacune de ces portions représente l'une des 9 limites planétaires, avec un degré plus ou moins important de dépassement. Est ce qu'on peut faire un rappel de ce que représente ce graphique ?

3’36 Jérôme Lombard Il faut parler d'abord du concept pour comprendre. L'idée, c'est que la communauté scientifique a fait une sorte de synthèse d'étude à l'échelle mondiale pour essayer de comprendre quels étaient les processus naturels fondamentaux qui régulent ensemble la stabilité de la biosphère et qui définissent un espace de développement sûr pour le vivant, incluant l'être humain. Et bien sûr, il faut comprendre que ces différents processus, ces différentes limites planétaires interagissent ensemble. C'est-à-dire que ce n’est pas sectorisé. Il y a de la porosité, il y a des interactions entre ces limites. Et donc vous qui vous intéressez particulièrement au côté carbone, ça fait partie de ces limites, mais quand on les regarde (il y en a 9), il y en a aussi l’une des limites qui concerne la biosphère, la biodiversité. Et donc nous, notre travail, c'était d'expliquer au monde de l'audiovisuel : Regardez. La limite qui concerne la biodiversité fait partie des 6 limites sur 9 qui ont dépassé le niveau d'espace de développement sûr. Et quand on compare les niveaux de dépassement, on se rend compte que les limites pour la biodiversité sont malheureusement encore bien plus avancées que celles concernant la crise climatique. C'est pour ça qu'on a tendance maintenant à parler de crise bioclimatique et qu'il ne faut pas tout sectoriser. Maintenant, il faut agir sur tous les compartiments concernés par ces enjeux.

The Shifters Merci pour ce rappel. Alors maintenant que tout ça est posé, nous allons parler de votre guide. Un guide qui a été co-écrit par 3 partenaires. Il y a AUDIENS, le groupe de protection sociale, expert des métiers de la création et de l'information. Il y a ECOPROD dont peut-être certains shifters de la culture ont entendu parler, et enfin vous l'IFFCAM. Et pour commencer à parler de ce guide, j'aimerais que l’on cite un exemple avec une tragique histoire de Flamants roses.

5’54 Jérôme Lombard Pourquoi est-ce qu'on donne des exemples ? C'est parce que lorsqu'on parle d'impacts environnementaux, pour des gens qui ne sont pas du métier, qui ne travaillent pas dans les métiers de la conservation des espaces naturels et des espèces où l'étude de ces espèces, ça peut paraître théorique. Et donc pour montrer et contextualiser les enjeux auxquels on fait référence, on a voulu montrer que nous, en tant que gestionnaires d'espaces naturels, on avait vécu des impacts concrets sur le terrain. Et donc, on cite un exemple : il y a une production audiovisuelle en 2018 en France qui avait besoin de faire des images de Flamants roses. Dans ce contexte-là, initialement, toutes les démarches ont été semble-t-il correctement faites avec des études d'incidence, un travail avec les autorités représentant l'État sur les questions environnementales pour délimiter des périmètres de tournage autorisé des périodes autorisées, et malheureusement dans le cadre de la production du film, ils n’ont pas tourné là où c'était prévu, ni au moment où c'était prévu. Ils ont survolé la seule colonie reproductrice de Flamants roses en France, et ça a amené à une mortalité très importante au niveau du recrutement de l'année, c'est-à-dire qu'il y a des oeufs qui ont été détruits, il y a eu des sites de nidification abandonnés avec des jeunes abandonnés, et donc ça a été catastrophique… Il y a 500 couples sur les 4500 couples nicheurs que comprenait la colonie qui ont abandonné leurs œufs, tout simplement. Et comme le Flamant rose est une espèce protégée, les autorités et des associations environnementales ont porté plainte contre la production par rapport à l'impact qui avait été généré. Donc l'idée c'est de comprendre qu’il peut vraiment y avoir des impacts catastrophiques au niveau environnemental. Parce que là, on parle de la seule colonie de Flamants roses en France. Et au-delà de l'impact au moment du tournage, si les oiseaux considèrent que le site n'est plus favorable du fait du dérangement, le site peut être abandonné pendant des années, voire définitivement. Donc un tournage peut avoir un impact vraiment majeur sur la faune, la flore et l'environnement. L'idée était de le faire comprendre au monde de la production audiovisuelle au travers de cet exemple.

The Shifters Vous citez également d'autres exemples qui concernent cette fois-ci la sur-fréquentation de certains sites, suite à des publications ou à des films.

8’38 Jérôme Lombard Le monde de la production audiovisuelle valorise les territoires. D'une part, il y a une volonté politique que la France soit un territoire d'attraction de tournages. (Je ne parle pas de politique politicienne. C'est une volonté politique au sens large), Donc là l'idée, c'est que ça permet de générer de l'économie dans le monde de l'audiovisuel mais également sur les territoires. Et l'autre aspect, c'est que ça permet de valoriser le pays et donc d'attirer des touristes, parce que quand on voit un territoire qui est mis en valeur, qui est beau, nécessairement ça peut donner envie aux gens de venir. Donc il y a des financements au niveau national via l'intermédiaire du CNC. Mais il y a également des financements publics à l'échelle régionale. Tout simplement parce que là aussi, ça valorise les territoires, ça permet de développer une activité au moment du tournage, mais ça permet aussi de générer de l'activité touristique. Là-dessus, vous rajoutez le fait que certaines productions audiovisuelles ont un impact fort au niveau culturel auprès des spectateurs (je pense par exemple à des réalisations comme “Game of Thrones”, ou comme “Le Seigneur des anneaux”). Et en fait, vous avez des activités de ciné-tourisme qui se développent, des fans de ces médiums audiovisuels qui veulent aller voir les territoires où les productions audiovisuelles ont été tournées. Et donc dans ce contexte-là, on a une attraction énorme sur les territoires qui peut se faire. Je vais prendre un exemple concret : il y a une série chinoise qui a été tournée en partie en France, et chaque épisode de la série, apparemment, a été vu en moyenne par 200 millions de personnes. Et à partir de là, il y a des tours opérateurs qui ont proposé à des populations chinoises qui ont vu cette série de venir sur les lieux de tournage, parce que tout était marketé, parce que les acteurs étaient des gens issus de la téléréalité, sélectionnés… Et donc ils ont tout marketé pour créer une économie autour de cette série. Sur nos territoires, ça a amené énormément de gens à venir et ça a commencé à poser des problèmes, c'est à dire que, au début l'économie s'en est bien portée, mais il y avait tellement de monde et tellement de fréquentation qu'il a commencé à y avoir de la dégradation -c'est pas lié au fait que ce soit la Chine, c'est juste le fait qu'il y avait beaucoup de monde- et donc ça a généré ce qu'on appelle des externalités négatives, c'est-à-dire qu'il y a des impacts négatifs, et il y a pas que le côté positif de l'économie. L'idée c'est de considérer ces enjeux là, et de faire prendre conscience au monde de la production audiovisuelle que, OK, il y a de l'économie, il y a des éléments favorables qui sont générés, mais quand on est gestionnaire d'espaces naturels et quand on vit sur les territoires, nous derrière il faut qu'on gère les pots cassés et ces externalités négatives. Et donc l'idée c'est de dire : faites attention aux recommandations scientifiques, faites attention aux recommandations des gestionnaires, parce que certains ont l'expérience de ces conséquences négatives qui peuvent arriver, et parfois en travaillant un petit peu votre écriture ou en communiquant sur des enjeux environnementaux, sur la périphérie des productions audiovisuelles… avec pas grand chose, on peut éviter ou on peut limiter ces externalités négatives. D'où notre intérêt de réunir le monde de la conservation et le monde de la production audiovisuelle dans une démarche volontaire et bienveillante, de manière à éviter que d'ici quelques années -vu que les enjeux bioclimatiques sont grandissants et que les gestionnaires d'espaces naturels sont peu à peu obligés de serrer la vis- pour éviter que le monde de la production audiovisuelle se retrouve face à un mur lorsqu'ils vont demander des autorisations de tournage qui sont réglementairement obligatoires pour pouvoir tourner dans les espaces naturels soumis à gestion. Notre objectif au travers de ce guide est de faire en sorte que l'on se prépare, on anticipe, et qu'on soit pas obligé de subir les conséquences des changements bioclimatiques. L'idée, c'est de travailler ensemble pour apprendre un langage commun, monter en compétence sur la compréhension des métiers des uns et des autres. Et voir comment on peut travailler ensemble pour favoriser un équilibre qui soit viable à l'avenir en considérant les enjeux bioclimatiques.

The Shifters On retrouve sur les questions énergie-climat, le même type de raisonnement, c'est à dire que soit l’on anticipe pas et on risque de subir la situation, ou alors on anticipe, à l'image par exemple du Plan de Transformation de l'Économie Française ou du guide que vous proposez, et ça pourrait laisser une marge de manœuvre un peu plus importante. Mais revenons à ce guide, comment est-ce qu'il est apparu et qu'est ce qu'on peut y trouver ?

13’40 Jérôme Lombard Au sein de l'IFFCAM on a été conscient de la nécessité de parler d'éthique et de déontologie dans les métiers du documentaire animalier-environnement. Dans le cadre de ce travail, j'ai fait une mise à jour de l'enseignement au regard des enjeux bioclimatiques actuels et j'ai également proposé qu'on mette en place une charte éthique et déontologique des métiers du documentaire animalier-environnement. Ce travail là a créé une émulsion au sein de l'équipe pédagogique, parce que bien sûr, c'est une équipe. Et donc quand on a mené ce travail, on s'est rendu compte par notre réseau professionnel qu’une association qui s'appelle ECOPROD travaillait aussi sur ces sujets-là, sachant que eux, au départ, ils étaient spécialisés carbone -Avec des outils pour permettre aux productions de réduire leur empreinte carbone, avec “carbone Clap”, y a un travail qui a déjà été fait- mais la question du carbone n'est pas suffisante. Donc on a travaillé également sur le côté biodiversité. Donc là nous on avait des compétences donc on s’est mis à travailler là-dessus. Et quand on a su qu'ils s'intéressaient au sujet de la biodiversité, on est rentré en contact et il est venu dans les esprits de chacun qu' il serait naturel de se mettre à travailler ensemble. Et une partie de ce travail a amené à élaborer un guide pratique pour toutes les personnes qui font de la production en France, que ce soit le cinéma, la télé documentaire ou fiction, la publicité, les réalisateurs de contenus sur les réseaux sociaux. Donc on a élaboré un guide qui permettrait de les initier, de les faire monter en compétence. Mais de manière très simple… Le guide est très simple, il est très terre à terre, il est très direct. C'est un guide pratique qui est là pour leur faire comprendre qu'il y a des enjeux et attirer leur attention sur certains points sur lesquels ils peuvent agir, de façon à ce que le guide puisse les aider à structurer leur démarche. Si vous êtes une production cinéma, vous avez une régie, vous allez potentiellement avoir à gérer des décors. Si vous avez beaucoup de personnes dans l'équipe de tournage et qu'il y a beaucoup d'acteurs, il va falloir des cuisines et autres. Donc on essaie de dire : voilà, il y a des éléments sur la gestion des déchets, les problématiques des odeurs, le dérangement, le bruit, la pollution lumineuse… On essaie d'aborder tout un tas de sujets qui sont très terre à terre par rapport au monde de la production, aux métiers de la production et qui pourraient impacter les espaces naturels et les espèces. Donc notre intention, c'est de leur permettre d'intégrer les enjeux bioclimatiques en leur faisant comprendre sur quels aspects ils peuvent jouer pour réduire leur empreinte, sans que ça transforme leur métier, quels sont les process qu’ils peuvent mettre en place en routine pour travailler sans impacter le milieu naturel.

The Shifters On parlait tout à l'heure des 9 limites planétaires qui sont extrêmement liées, sont extrêmement dépendantes les unes des autres. Et là j'ai l'impression que c'est un peu la même chose, c'est-à-dire que, que ça soit dans le milieu de la décarbo, ou le milieu de la biodiversité, on poursuit finalement les mêmes objectifs…

17’00 Jérôme Lombard Notre objectif c'est de faire société. On part du principe que s'opposer en permanence, ce n'est pas constructif. On a du mal à avancer en fonctionnant comme ça. On n'est pas là pour montrer du doigt. On est là pour expliquer qu'il y a des enjeux bioclimatiques identifiés. Comment est ce qu'on peut faire pour que soient considéré ces enjeux dans les processus de production. Et il est nécessaire qu'on travaille ensemble parce que nous, en tant que biologiste, on ne sait pas forcément faire les métiers de la production audiovisuelle et les métiers de la production audiovisuelle, ces gens-là ne sont pas biologistes. Donc il faut nécessairement qu'on travaille ensemble avec les esprits intéressés par le sujet. Et en travaillant ensemble on peut essayer de co-construire une méthode, des outils, pour faire en sorte que les enjeux bioclimatiques soient intégrés en routine dans les processus de production audiovisuelle, dans les formations audiovisuelles. Aujourd'hui, en réalité, on est au démarrage de quelque chose et il y a encore énormément de travail à faire par la suite. Mais là, aujourd'hui, ce qui nous rassure, c'est que parmi les acteurs qui ont été invités à participer, on a l'Office Français de la Biodiversité. Du côté de la production audiovisuelle, le CNC, entre autres, était représenté, donc là on a des acteurs majeurs des 2 univers-métier qui étaient présents et qui soutiennent cette démarche dans l'esprit, et qui sont prêts à travailler avec nous. Nous sommes rassurés et nous espérons que nous allons maintenir cette dynamique positive.

18’46 The Shifters Quelques petites précisions : vous pouvez retrouver sur le site décarbonons la culture.fr quelques liens sur le travail qu'a mené ECOPROD et dont parlait Jérôme à l'instant. Vous pouvez trouver ces liens dans la page ressources. Et concernant le guide, vous pouvez également le consulter puisqu'il est en lien sur la page de cet épisode. Précisons que ce guide est mis à disposition gratuitement pour les professionnels de l'audiovisuel. On continue avec Marie Daniel, la directrice de l'IFFCAM. Marie va nous donner quelques précisions complémentaires sur ce guide.

19’24 Marie Daniel On a ici la chance de pouvoir échanger avec les plus grands professionnels du cinéma animalier, qui sont très en conscience du risque qui est pris pour une espèce lorsqu'on va dans un milieu que l’on filme -des milieux qu'ils soient très protégés ou pas protégés du tout. A partir du moment où on essaie d'aller filmer tel animal, évidemment on va avoir un impact plus ou moins gros sur cette espèce. Et nous, ce que nous avions à apporter, c'est le fait d'être en conscience de notre impact et d'avoir toute une panoplie de réponses apportées à nos situations personnelles, en tout cas spécifiques… c'est-à-dire que nous, pour pouvoir filmer un animal avec un comportement naturel, en tout cas non gêné, au plus proche de ce qu'il ferait sans nous, sans qu'on soit à côté, c'est évidemment ce qu'on recherche. Parce qu'avoir un animal qui a l'air stressé, qui n'est pas bien, c'est pas bon. C'est pas bon pour l'éthique et c'est pas bon non plus pour l'image donc en fait, ce partage d'expériences permet à des chargés de production et des régisseurs d'entrer en contact plus facilement, lorsque le milieu est protégé avec des gestionnaires, et lorsque le milieu n’est pas protégé d'avoir au minimum une liste de garde-fous pour faire attention à toute une série de comportements et de choses à mettre en place en amont. C'est le bruit, c'est la pollution indirecte, directe, par des produits, les décors… Dans le secteur de l'audiovisuel, il y a déjà plein de choses qui sont mises en place. Franchement, il n'y a pas que les gens qui font du documentaire animalier, qui sont sensibles à la question environnementale. Donc il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui dans le secteur audiovisuel sont hypersensibles à ces questions, et il n'y avait jusqu'à aujourd'hui pas encore énormément d'outils pour répondre. Et donc ce guide reçoit un accueil très positif parce que, des régisseurs, des chargés de production qui nous disent “on est super content parce que ça met des mots très concrets sur des choses qu'on intuite mais qu'on ne maîtrise pas pour autant”

The Shifters On porte notre rapport à nous qui s'appelle décarbonons la culture, qui touche à tous les domaines culturels, cinéma compris. Mais après c'est bien beau d'avoir le rapport, mais comment est-ce qu'on le porte ? C'est-à-dire comment est-ce qu'il va être efficace ? Comment est-ce qu'il va être utilisé ?

21’44 Marie Daniel ECOPROD donc, qui est cette association qui est aujourd'hui très importante et qui reçoit l'écoute du ministère de la culture notamment. ECOPROD en travaillant sur ce projet qu'on a vraiment largement contribué à écrire avec eux, ils ont aujourd'hui un outil pour avancer plus loin, c'est-à-dire être une force de proposition… …Peser aussi dans une prise de décision, peut-être autour d'une législation… On parle beaucoup des éco-conditionnalités. Côté carbone, c'est quasiment en place. Sur la biodiversité, il n’y a encore absolument rien. L'enjeu autour de la biodiversité est aussi important, voire plus important encore au niveau de ses impacts sur nos sociétés et notre planète. Mais pour l'instant on n'en entend pas encore beaucoup parler… Je pense que le carbone prend beaucoup de place, parce que, justement, il devient contraignant aujourd'hui. Lorsque l'impact sur la biodiversité sera contraignant aussi, je pense qu'on en entendra beaucoup parler. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le projet, c'est quand même de pouvoir réunir l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel, du cinéma, idéalement l'ensemble des producteurs de médias d'images et de son, pour essayer d'avoir une une vision très claire de ce que devrait être nos limites. On avait rencontré une formatrice récemment qui était coproductrice et qui disait “les moyens de mise en œuvre d'une production, c'est une question, mais l'enjeu central pour nous c'est de savoir qu'est ce qu'on va raconter, qu'est ce qu'on met dans nos films”. Et là on revient sur les les fameux grands (nouveaux) récits… Tout ça, je trouve que c'est assez passionnant, mais évidemment ça dépasse largement les questions de la biodiversité…

The Shifters Merci Marie. On parle effectivement assez régulièrement de nouveaux récits au sein des shifters. Peut être que ces étudiants d'aujourd'hui seront les créateurs de ces nouveaux récits de demain. En attendant, l'IFFCAM, comme d'autres écoles, organise des formations pour leurs étudiants, par exemple les fresques du climat ou de la biodiversité qui se font maintenant chaque année.

24’04 **Eclairage The Shifters Ce que l’on peut retenir de ces entretiens, c’est que, en parallèle avec les enjeux de la décarbonation du secteur culturel qui est notre sujet principal dans ces épisodes, les enjeux de la biodiversité font aussi l’objet de réflexions sur les métiers de l’audiovisuel dans l’exemple qui nous a été présenté.

La production du guide de tournages en milieux naturels, à la fois pragmatique et tout à fait éclairant, est un outil concret au service de toute une profession. La mise en partage du savoir des écologues et des retours d’expériences de cette école sur les tournages en milieu naturel, nous montre à quel point ces échanges sont féconds (prolifiques) et nécessaires aujourd’hui.

<u>La connaissance pour le constat </u> Arrêtons-nous quelques instants sur cette nécessité de mettre en commun des expertises qui pourraient sembler au premier abord éloignées. Selon nous les shifters, cela est essentiel et permet de dresser un double constat :

Le premier constat, c’est qu’il peut arriver que des activités aussi louables que le documentaire animalier peuvent avoir des effets délétères sur le vivant, parfois aussi critique que n’importe quelle industrie ou activité, dite polluante. C’est pourquoi il est particulièrement important de mettre en place des outils de mesure et d’analyse capable de pouvoir définir ces impacts. Ce travail revient aux professionnels compétents, comme ici les écologues. Cette démarche est en mesure de nous éclairer et de nous alerter sur les conséquences de nos activités là où auparavant nous ne n’y prêtions pas ou peu attention.

Le deuxième constat est que la détérioration des milieux naturels n’est pas sans conséquence sur l’activité audiovisuelle elle-même. Pour reprendre l’exemple donné, s’il n’y a plus de flamants roses là où avant nous pouvions les observer, alors il sera maintenant très difficile, voire impossible de les filmer. En outre, comme cela a été évoqué, les gestionnaires de parcs peuvent se montrer plus réticents à accorder les autorisations d’accès à l’avenir. Ce qui veut dire que dans les aires soumises à gestion comme les parcs nationaux, moins d’accès signifierait moins de tournage.

De façon plus générale, toutes les activités humaines dépendent des services écosystémiques rendus par le vivant, et ce, gratuitement. Le Vivant nous fournit des matières premières, il régule les processus environnementaux, et il est surtout le plus grand acteur culturel existant car il nous offre les plus belles contemplations. Or, la dégradation des écosystèmes fragilisent ces services, ce qui aura des conséquences sur nos activités.

On parle ici d’interdépendance entre le vivant et les activités humaines : nos activités dépendent du bon état des écosystèmes et les écosystèmes dépendent de la bonne gestion des impacts de nos activités.

<u>Ouverture sur d’autres secteurs </u> L’on pourrait penser que la question de la biodiversité ne concerne que les acteurs culturels dont les activités prennent place dans des milieux, dit “naturels”, par exemple des festivals en pleine campagne, ou des tournages à l’extérieur.
Et on pourrait croire que les acteurs qui n’ont pas de lien avec le milieu naturel ne seraient pas concernés par la protection de la biodiversité. Par exemple, quel lien entre une salle de spectacle en centre urbain et la biodiversité ? Et pourtant, les enjeux de la biodiversité nous concernent tous, dans tous les secteurs et dans toutes les typologies de structures. Pour nous en convaincre, demandons-nous de quels services naturels dépendent nos activités ? Un premier inventaire serait une bonne initiative pour mettre en évidence nos vulnérabilités et notre intérêt à agir en sa faveur. De nombreuses méthodologies sont disponibles pour faire un diagnostic d’empreinte biodiversité. Nous pouvons citer, l’indicateur d'interdépendance de l’entreprise à la biodiversité l’IIEB, qui est un outil de diagnostic et d’aide à la décision qui sert aux organisations à autoévaluer leurs interdépendances par rapport à la biodiversité et aux services écosystémiques sur la base de critères multiples (23).

Nos intérêts à agir en faveur de la biodiversité, c’est aussi mettre en place des actions, non pas pour conserver ou restaurer, mais bien pour régénérer des espaces ou des écosystèmes. Ces actions engendrent, par ailleurs, des co-bénéfices importants. Par exemple, la végétalisation d’un espace dans un centre urbain peut permettre la création de nouveaux réservoirs de biodiversité et offre, en outre, de nouveaux espaces ombragés particulièrement efficaces pour lutter contre les îlots de chaleurs urbains. Une mesure peut contribuer à deux enjeux distincts : biodiversité et adaptation.

Autre exemple : lutter contre la déforestation importée en intégrant des certifications de qualité et de traçabilité lors de l’achat de bois ou de papier. Ainsi à nouveau deux enjeux distincts : biodiversité et protection d’espaces forestiers qui continuent de jouer leur rôle en captant du carbone.

Aujourd'hui, de nombreux acteurs de la culture s’emploient à développer des actions à la fois symboliques et très concrètes. Pour n’en citer qu’une, le Château D’Espeyran dans la région de Nimes, un centre d’archives dédié à la conservation de microfilms et d’images numériques, est la première institution culturelle à avoir signé une convention d’obligation réelle environnementale, ou ORE. Celle-ci l’engage pour les 50 prochaines années à prendre en compte le vivant dans chacune de ses actions. Un changement de paradigme profond qui laisse augurer de nombreuses innovations. Dans cette perspective, le Ministère de la Culture, à travers son guide d’orientation et d’inspiration pour la transition écologique, souhaite engager le dialogue avec les lieux culturels pour faciliter le déploiement d’outils publics, comme cette obligation réelle environnementale ou le label bas carbone, et ainsi mobiliser le secteur dans la mise en place de cadres en matière de biodiversité.

Comme le montre l’exemple de l’IFFCAM et de ses partenaires, ainsi que de toutes les démarches que nous avons pu présenter dans ce podcast, un levier qui semble bien fonctionner, c’est la faculté des organisations à proposer un cadre de réflexion collectif. Il faut penser et agir collectivement. Comme le mentionne Jérôme Lombard dans cet épisode, il s’agit bien de faire société. Et d’ailleurs, les travaux engagés par les shifters participent du même état d”esprit.

Pour finir, ces réflexions nous invitent nous aussi les Shifter des activités Culturelles, à faire un petit pas de côté pour appréhender la décarbonation du secteur de la culture comme un enjeu que l’on doit réussir à associer avec les autres enjeux environnementaux qui l’entourent, et dont ceux de la biodiversité font clairement partie.

Vous trouverez, en lien de cet épisode, les sources dont nous sommes inspirés.

Ressources :

Guide pratique de l’IFFCAM, AUDIENS, et ECOPROD : https://iffcam.net/guide-pratique-des-tournages-en-milieux-naturels/

Mooc gratuit https://engage.world/mooc-biodiversite-relever-le-defi-du-vivant/

Formation biodiversité du MNHM (2 sessions en ami 2024) https://formation.mnhn.fr/formations/comprendre-integrer-enjeux-biodiversite-demarche-rse-developpement-durable-2686

Château d’Espeyran, entretien très intéressant : https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Special-JEP-chateau-d-Espeyran-patrimoine-et-protection-de-la-biosphere

Initiatives ID image
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Fiche d'identité de l'initiative

Mise en œuvre :2024Structure :IFFCAMInterlocuteur :Jérôme LOMBARD et Marie DANIELThématiques :
tranversalcinéma et audiovisuelsensibilisation-formationNouvelle-Aquitaineécoles, formation

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